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Et si on apprenait les mathématiques avec les albums jeunesses ?

  • Photo du rédacteur: Anne Lafay
    Anne Lafay
  • il y a 2 jours
  • 4 min de lecture

Billet rédigé par Carly Dincher, étudiante au département d'orthophonie à l'Université de Lorraine, stagiaire recherche au Laboratoire de Psychologie et NeuroCognition de l'Université Savoie Mont Blanc, et par Anne Lafay.


Référence des deux articles synthétisés


Op’t Eynde, E., Depaepe, F., Verschaffel, L., & Torbeyns, J. (2023). Shared picture book reading in early mathematics: A systematic  literature review. Journal für Mathematik-Didaktik, 44, 505‑531. https://doi.org/10.1007/s13138-022-00217-7


Zhang, Q., Sun, J., & Yeung, W. (2023). Effects of using picture books in mathematics teaching and learning: A systematic literature review from 2000–2022. Review of Education, 11. https://doi.org/10.1002/rev3.3383




En quoi la lecture partagée d’albums jeunesse permet de développer les compétences mathématiques des jeunes enfants ? 


L’utilisation des albums jeunesse est très fréquente à l’école maternelle ainsi que dans les bureaux des orthophonistes afin de développer le lexique, la syntaxe et la compréhension des enfants. Cependant, ils sont très peu utilisés dans le développement des compétences mathématiques alors qu’ils présentent un potentiel important dans ce domaine.


Les albums jeunesse sont des ouvrages littéraires comportant des images et du langage. La lecture partagée d’un album jeunesse est une activité dans laquelle l’adulte lit à haute voix un livre aux enfants pour ensuite travailler le lexique en lien avec les images et l’environnement immédiat de l’enfant grâce à des reformulations, des explications ou encore en proposant des synonymes et des antonymes afin de développer leur capacité métalinguistique à partir de ce support. Bien que ce ne soit pas toujours le premier objectif, ils peuvent aider les enfants à entrer dans certains apprentissages. Dans le cadre des mathématiques, ils peuvent permettre d’aborder les concepts à travers une réflexion plus approfondie, et cela de manière ludique, mais également de transposer les apprentissages dans les actes de la vie quotidienne. L’utilisation du jeu permet ensuite une extension des apprentissages : l’enseignant doit connecter l’histoire aux concepts mathématiques.


Deux revues systématiques (et méta-analyses) se sont intéressées à ce sujet. L’étude de Zhang et al. (2023) a recensé 16 articles datant de 2000 à 2022 identifiés dans trois bases de données et l’étude d’Op’t Eynde et al. (2023) a étudié quatre bases de données pour sélectionner 49 articles. Zhang et al. (2023) ont cherché à connaitre (1) les différentes approches de l’utilisation des albums jeunesse dans l’enseignement des mathématiques, (2) les effets de l’intégration des albums jeunesse sur la performance mathématique des enfants et (3) les facteurs d’inhibition et de renforcement de l’intégration des albums jeunesse dans l’enseignement des mathématiques. En explorant cette première problématique, une piste particulièrement intéressante émerge : la lecture partagée d’albums mathématiques. Les travaux d’Op’t Eynde et al. (2023) permettent d’en approfondir les enjeux. En particulier, ils ont cherché à répondre à analyser (1) les caractéristiques des albums jeunesses utilisés pour stimuler le développement mathématique chez les jeunes enfants, (2) la fréquence des moments de lecture partagée entre adultes et enfants, (3) la qualité des interactions durant la lecture partagée (nombre et/ou type d’énonciations du lecteur et/ou de l’enfant) et (4) l’efficacité de la lecture partagée d’albums jeunesse.



Résultats 


Concernant l’utilisation des albums jeunesse dans le développement des compétences mathématiques, l’étude de Zhang et al. (2023) a montré :

(1)   Les différentes approches

(2)   Effets globaux

(3)   Facteurs d’inhibition et de renforcement

Introduction de la leçon :

-          Préparation des activités à venir

-          Utilisation de questions ouvertes pour introduire le concept

Pendant la séquence :

-          Association aux manipulatifs (objets concrets)

-          Connexion entre concept, lexique et illustrations

Clore une séquence :

-          Récapitulations des apprentissages

-          Consolidation de la compréhension du concept

Lecture en autonomie :

-          Révision des concepts mathématiques

Attitudes positives face aux mathématiques :

-          Réduction de l’anxiété mathématique des enfants

-          Engagement dans les activités mathématiques

Meilleures performances académiques en mathématiques :

-          Amélioration des résultats en mathématiques

Représentation mathématique :

-          Compréhension et production de graphiques / diagrammes.

-          Manipulation d’objets concrets ou des doigts

Facteurs limitants les effets :

-          Manque de formation pédagogique

-          Doutes sur l’efficacité attendue

-          Contraintes de temps (sélection des livres), d’argent (budget pédagogique), de ressources (littérature existante)

Facteurs valorisant les effets :

-          Bénéfice pédagogique (flexibilité, méthode inspirante pour les enseignants)

-          Motivation accrue des élèves

-          Soutien institutionnel (recommandations des écoles)


Quant à la lecture d’albums partagée en mathématiques, l’étude d’Op’t Eynde et al. (2023) a permis d’analyser plusieurs paramètres :

  • Tout d’abord, les albums jeunesse utilisés dans le cadre de séance de lecture partagée possèdent deux caractéristiques :  le contenu mathématique (nombre et opérations, rarement sur d’autres domaines) et la présentation du contenu mathématique (explicite ou implicite).

  • La fréquence des lectures partagées tend à diminuer avec l’âge de l’enfant. Cependant, l’étude ne fournit pas de données précises sur leur fréquence d’utilisation en classe, mais souligne la rareté des ouvrages à contenu mathématique dans les bibliothèques scolaires.

  • La qualité des interactions joue un rôle essentiel dans le développement du langage mathématique. Les parents produisent plus de commentaires que les enfants, mais le nombre d’énoncés des enfants est lié à celui de leurs parents. Du côté des adultes, la complexité des questions posées dépend de la taille des collections à dénombrer, du genre et du niveau de capacité numérique de l’enfant perçu par l’adulte.

  • Enfin, l’efficacité de l’intervention dépend de plusieurs paramètres contributifs tels que le genre de l’enfant (les filles ont réalisés plus de progrès), l’adaptation du contenu mathématique au niveau initial de l’enfant ainsi que les apports mathématiques spécifiques du lecteur.



Implications pratiques


Des exemples d’albums jeunesses sont présentés ici :


Dans ma classe


  • Les nouvelles lignes directrices éducatives mettent en avant l’utilisation de la lecture en mathématiques car c’est une méthode pédagogique efficace.

  • La sélection du livre doit se faire en fonction des objectifs pédagogiques.

  • Lire le livre n’est pas suffisant : il faut donner du sens aux mathématiques en guidant la lecture et régulant les interactions (rôle de médiateur).

  • Il est possible de combiner la lecture partagée d’albums jeunesse à d’autres supports pédagogiques tels que des affiches comprenant des éléments de l’histoire afin de mémoriser et réutiliser les concepts plus facilement.


Dans mon bureau d’orthophoniste


  • La lecture partagée d’albums en intégrant des commentaires mathématiques pourrait être un moyen de débuter l’alliance thérapeutique avec nos patients avec un Trouble Spécifique des Apprentissages en Mathématiques (TSAM) et/ou avec un Trouble Développemental du Langage (TDL) qui sont susceptibles d’avoir des difficultés avec le vocabulaire et les concepts mathématiques.

  • Ces outils peuvent être proposées aux familles dans le cadre d’un bilan de prévention ou d’un bilan ne nécessitant pas une rééducation (guidance parentale).


 
 
 

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